Le Nocher de la Lune
Prologue – Cette vague dans la mer dont elle est l’océan
Une peau de roches
Un front de dunes
Une statue sur la Lune.
Depuis que les temps sont séniles, la statue demeure, assise telle une chaise à dos de Lune.
Dans l’hiver de l’univers, la herse de son visage fermée, elle hante les donjons de sa pensée.
Sous un mutisme solaire, la figure privée d’haleine poursuit sa route monotone.
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A l’abri de tous les circassiens, sauvé du strass de la mostra céleste, Ténor somnole sur l’un des pics borroméens, d’un nom vernaculaire de l’Azolée; terre d’origine dont il perdit les azimuths sacrés. D’un limbe aborigène, une diva matutinale étire son musc à même l’éperon rocheux; arbore le Potala sélène au polyèdre énergumène. L’éclat d’hyperborée dévore une craie pulvérulente, rasant le constellé poudingue sa face d’éléphanteau. Le terminateur, mâchoire du temps inaugural, traverse de sa clarté cendrée le fief d’où le néant s’apprête à la métamorphose. Mille ans plus tôt que les Meuniers cachèrent le Bathyscaphe au grand dodécahèdre, soufflant sur les bougies de ces annales; laissant l’arc bouté, dont le Gémeau avec terreur était appelé Nocher.
La croisée d’ogive du firmament recouvre les coteaux du Sophomore, massif central de son cratère à pics. Affleurant l’arc du centaure ailé, une lumière zodiacale balise les horizons d’une pèlerine pyramidale. Du bain de la provenance, le drôle d’espécimen exige de la nature une seconde démonstration. Mais l’envoûtement tardif sirote encore, par-delà son vitrail; alors qu’au loin, là où les matins se lèvent sur cent mille mondes, là où les années se comptent en lumière, des vents avides s’embrassent et se trahissent avec la fièvre des premiers amants.
Silence wagnérien
Ténor déprime à dos d’âne reluisant, son mulet jamais ivrogne, comme entarté d’une cargaison secrète. Son démiurge appareilleur en fit l’apparition distraite d’une forme de vie, les pieds pendus au long de l’écliptique et ses lungomare.
Des épigraphes de l’immigrant, on pouvait lire une certaine allégeance à l’Ordre Mercurial, floppée de bohémiens hors du commun de leurs mortels, à qui était courté l’éternité contre un adieu formel. Les Mercuriaux quittaient en Bosatsus la permanence de l’Azolée, envers le front impermanent de l’épopée. Accompagnés d’Athlons pour la bagarre, largués du Trimarge céruléen, aux alchimistes existentiels étaient prescrits d’en faire pour la nation les Nautoniers du ciel.
Sur les chemins de l’escapade universelle, en émissaire de la fécondité, l’Arial longeait l’ubac et ses adrets. Au contre-jour d’une goétie rupestre, il y nichait les manouchians du statuaire azoléen; d’où l’ogre une fois levé engloutissait l’indigène dont il était l’idole. Voie-lactant aux ordres de la Cause, lisant dans l’ejecta les sédiments de l’or mussif, l’Arial lorgnait sur les rocades à dos de gecko des murailles, taillant d’une pioche adamantine des escaliers spirales jusqu’à la graine terrestre.
Les Arpenteurs menaient l’enquête au Qualz du moyeu, venus des quatre coins lui carotter son fèces; sans attirer vers eux son coup d’épée forgée au coeur géodésique. Munis de sa richesse, les Mercuriaux montaient les gerves vers les Pagodes azoléennes, taillées dans les Cités-chondrules, brillantes comme le Menilmenör. A leur approche l’Azal se saisissait du minerai de l’être appelé Minal, à l’insérer dans le Cotel pour la métamorphose. De là les Cisailleurs sortaient l’épure parée à la transmigration.
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De l’Azolée sortaient des êtres-monuments, à qui Ténor tirait de plus en plus la gueule. Les Minalithes esséminés assuraient donc une familiarité innée, ne laissant pas la place aux négligences de la trouvaille. L’Appareilleur faisait d’abord d’honnêtes contrefaçons, d’un des Gémeaux natifs de l’Azolée. Par le duplicata seulement était permise la Colonisation, dont on disait qu’elle se faisait en nombre.
Sous les blasons, par le décompte et les besants, on pouvait dire du parangon originer des Carpentaines ; jadis huissier parmi les marturians de l’Escuriale, au Palais d’où embryonne l’édit des terres natales. En salle de lecture, le jeune platonicien appréhendait l’âge d’or d’entrer dans la mémoire, car on nourrit de la sagesse azoléenne ceux qu’on voulait y incarner ; les rares semblables voués à sa notoriété.
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A notre Malaurie, auquel Ténor tenait la rémanence, les Ides y tamponnèrent d’un sceau en oie son aller-simple envers la Lune, pour la reprise à la Noria; millions d’années après Tycho les funérailles d’honneur. La Face Cachée des Choses est en péril, admira-t-on par les timénoides et les timéoèdres, d’un beau discours pour assigner à la déréliction. On trouvait plus gardien pour le Signal, ce qu’inquiétait grandement les Géoliens, voyant toujours dans l’eurythmie la preuve de l’imminent chaos. En sortira une chose pour nous détruire, murmurait-on en choeur dans les couloirs de l’Ecoumène. La base construite au seul endroit jamais perçu depuis la Terre, pour les mouchards de chez Khalamahan de n’y voir pas les géoliennes, l’Azolée protégeait l’ombre bien mieux que la lumière.
Quittant les Parturientes pour l’abstinent labour, Malaurie repris sa vie sur l’Inlandsis, quelques chamades avant l’épreuve sacrée du terminateur, où l’on auditionna sa vie consciente entre deux mondes. Qui l’emmena ici ? La Junte sélène derrière était massée, motorisée à dos de Gaudipodes, capsules tout-terrains en forme de hanche et de fémur, pour la visite aux astroblèmes. Il reculerait une fois. Coupant la cocaïne, la ceinture de la nuit le poignarda vodka cul-sec, d’un bon trois-cents degrés vers l’aboulie. Non seulement Malaurie devait la traversée, mais pratiquer autant les aller-retours, ce que sans coup de la menace il aurait à rééditer.
Des ignitions de sa pensée, charpentées à l’image d’étoiles relais, il empoigna sa torche faite à l’exploration de félidé. L’Esprit ne doit faire qu’un avec la Carte, entendait-il de la parole, entrer dans la cartographie. Il enveloppa son corps pendu en un sommeil paradoxal; trouva d’un déhanchement de marionnette quelques indices sur la Mare Imbrium, pétrosomatoglyphes à sa pointure, parcours fléché vers la grotte-sanctuaire à ses illustres. On l’assura des déités atomiques, durant cinq-cents-mille ans sorties de la Noria, de leur quiétude imperturbable. Tycho, Shackleton, même Aristarque, tout le gratin de ses héros s’était plié au jeu de l’excursion. Une fois revenu à la lumière, on savait dire lequel Nocher n’avait trouvé l’Hécate, qu’on s’y prenait à plusieurs tentatives pour écraser son crâne vers les mascons.
Tâtant des mains la fresque, longeant par les longmen sur un versant aux Appennins; croyant entendre une lyre, il décela l’à-coup en tambourin, dans les sous-sols à la lisière de la Nocchiale. Malaurie prit donc de judicieux virages. Les Ides ne savent pas tout de l’émissaire auquel tant du pouvoir mythique fut conféré; ayant en marchandise de son expédition bien plus qu’un flair rocambolesque. Face à la mort, cette intuition ancestrale, vouée à la victoire de son dessein, prit possession du reste de la course.
L’oeil jupiterien toupillonnait de sa furie centrifugeuse, inversant le cours des constellations, faisant tout pour colporter les intrusions aux autres luminaires. Au bout d’un virage en remontant, Malaurie saisit des mains, de ses poignées un astérisme, comme un quartet de luces. Ventriloquant un mot de passe aux étoilées conspirations; réitérant la relation cachée du plus petit avec le plus lointain, il élargit un pan de la pénombre; seulement ouvert à l’explétive, dans un recoin de l’absolu. Taisui grondant, tête basse il fuit, d’un pas de côté permis en d’occasions uniques. Au centre du système solaire, le Soleil éruptait, d’un vent de détraqué autour de sa couronne.
D’une pédale au sol, il fit s’illuminer un intérieur de pyres, où l’attendait le prédécesseur et sa Mandorle. Il y était, dans l’antre des ancêtres, dont Malaurie était maintenant un fieu spirituel. D’autres étoiles, dont il nota 七夕節, enluminaient la face d’accueil, dont le dernier présent fut la grimace forcée de la félicité. La grotte-sanctuaire était bondée par des travées de Lakshanas, de manouchians et de soldats terrés dans la montagne, en attendant que la supernova ne les transforme en or. La salle semblait illimitée, grandie d’albâtres et de miroirs. Enjambant les orants il s’enfonça dans la demeure. Il est écrit, des logs du vieil Abécédaire, quand Malaurie revint de son exode, à l’insu de ses guetteurs abasourdis, il détenait l’arme de la fin du monde .